Fétiches
Épargnant l’énergie physique, voire cérébrale, un grand nombre d’objets de consommation et du quotidien sont devenus de véritables « fétiches ».
Sacs, montres, trains ou encore camions sont perçus comme des miracles méritant d’être érigés en ornements, comme chez Helen Marten ou Caroline Achaintre, ou en compagnons dignes d’un récit ému par Chris Burden. Leur fétichisation contribue à nous faire oublier l’énergie qu’il faut pour les produire, celle qu’ils consomment autant que celle qu’ils épargnent aux corps humains.
Parmi les objets les plus vénérés, la voiture et l’ordinateur symbolisent le rétrécissement du temps et de l’espace. L’automobile garée, embouteillée ou accumulée intéressa les artistes par sa vitesse, comme le montre León Ferrari, et par la transformation des paysages qu’elle opère, à l’image de l’environnement imaginé par Gustav Metzger. L’informatique, elle aussi, attise des désirs : tandis que le design de Paul Rand pour IBM transforma les composants électroniques en paysages captivants, Ettore Sottsass ou Konstantin Grcic subliment le mobilier de bureau qui accueille ces équipements.
Après le temps de la fascination, les artistes attirent l’attention sur la maintenance, l’obsolescence et la finitude de ces fétiches. Ceux-ci peuvent bien vite passer du statut d’idoles à celui de rebuts, à l’image des postes informatiques entassés et difficilement recyclables photographiés par Valérie Belin, ou des déchets métalliques qu’El Anatsui tisse ensemble pour les soustraire à leur destin polluant. Les collages de pétales de tulipes réalisés par Jennifer Tee rappellent que les végétaux, eux non plus, n’échappent pas à cette vénération, depuis la tulipomanie du XVIIe siècle jusqu’à nos jours, où cet emblème des Pays-Bas cultivé intensivement traverse continents et mers en camions réfrigérés pour assouvir cette frénésie.
Ce chapitre de l’exposition est visible au Frac Grand Large — Hauts-de-France.